Très
belle initiative que celle des Baux-de-Provence de proposer une incursion
dans l’univers d’Arman, imaginée et orchestrée de manière très pédagogique
par la Fondation A.R.M.A.N..
À
voir impérativement, jusqu’au 16 octobre.
Petit
rappel biographique tout d’abord. 1928, Armand Pierre Fernandez naît à Nice.
Son père,
issu d’une famille espagnole venant d’Algérie, possède un magasin de meubles et
d’antiquités. “Peintre du dimanche”, il lui apprend la peinture à l’huile. En
1947, Arman fréquente un court temps l’Ecole nationale d’art décoratif de Nice.
En 1949, il monte à Paris et suit les cours de l’Ecole du Louvre, tout
particulièrement ceux d’archéologie et d’art oriental, dans le but de devenir
commissaire-priseur. Il abandonne le cycle au bout de deux ans et part avec son
copain Yves Klein à Madrid. Après s’être essayé à la peinture dans la veine
surréaliste, il aborde la peinture abstraite, sous l’influence de Poliakoff et
de Staël. En 1953, il épouse Eliane Radigue, musicienne et compositrice. En 1958,
il laisse tomber le D de son prénom et signe Arman.
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De la fréquentation du magasin de
son père, il gardera le goût des objets, de leur accumulation et de la
collection ; de celle de l’univers de sa femme celui de la musique ;
de celui des écoles d’art et de la situation des arts en France après la
guerre, c’est à dire un sentiment d’achèvement, le goût du contre-pied et de
l’ironie; de ses voyages à New-York dès 1961, un sentiment de liberté et une
grande émulation.
Arman commence modestement en
utilisant des tampons commerciaux. Ces cachets servent à produire une trace,
répétée indéfiniment. Puis, s’appuyant sur Marcel Duchamp, il prend le
contre-pied de l’histoire de l’art dont la démonstration revient à dire aussi
que la production artistique est une succession de grands sujets, exemplaires
et moraux, réalisés avec des matériaux nobles tels que la peinture, le marbre,
le bronze. Il se met alors à collecter des objets ou des déchets dans des
poubelles, lieu dépositaire du absolument pas noble, du dégoûtant pour tout
dire, achète à New-York des lots d’assiettes invendues, récupère des séries
d’objets du quotidien, tous identiques ou presque. Il en fait des inclusions
dans le plexiglas ou le polyester et en modifie, du coup, la nature. Il va
même, un jour, jusqu’à récupérer dans un tiroir les bijoux de sa mère qui,
parait-il, a fait une drôle de tête en rentrant. Ce fût l’une de ses premières
Compressions (Les Ferrets de la reine, 1962, visible dans l’exposition). C’est
en regardant un jour une boîte remplie de lampes de radio dans un autre tiroir
qu’il décide que cette accumulation d’objets identiques fait œuvre. Il colle un
rhodoïd dessus pour la fermer, peint les côtés en noir et l’expose telle
quelle. Ce sera le début d’une longue série d’Accumulations qui se déclineront
à l’infini (1959).
En 1961, il inaugure ses Colères. Il
prend des instruments de musique en bon état et les casse, dans un geste précis
et créateur. Mais aussi irrévérencieux, scandaleux, sacrilège. Il les colle
ensuite sur un support ou les enchâsse dans le plexiglas.
Plus tard, c’est au feu qu’il
soumettra violons et autres objets (Bibliothèques d’Alexandrie, 1968) donnant
naissance aux Combustions, mais aussi aux Coupes par le biais desquelles tous
types d’objets manufacturés se retrouvent découpés en tranches.
Il est jouissif de détruite toutes
ces expressions d’une société urbaine et de consommation. Mais ouvrir un violon
pour en voir les entrailles ne permet pas d’y trouver la musique.
En 1960, le critique Pierre Restany
réunit les artistes qui participent de cette même approche du réel, de l’art,
de son histoire : Arman, Yves Klein, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial
Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques Villeglé ; il les nomme :
les Nouveaux Réalistes. En référence, au mouvement des Réalistes qui au XIXe
siècle, avaient décidé qu’il fallait être plus proche du peuple et abandonner
les représentations emphatiques et mythologiques, le plus représentatif de ces
peintres étant Gustave Courbet. Par cet acte, il les réinscrivait aussitôt dans
le mouvement de l’histoire de l’art.
Arman, en fait, par l’invention de
toutes ces techniques et son regard neuf porté sur les objets réinvente l’art
du Portrait, de la Vanité et certainement aussi de la peinture d’Histoire
(Espoir de Paix, Beyrouth, 1995).
L’exposition se présente sous forme
d’un parcours dans le village et dans les univers, les techniques et les
ambiances musicales d’Arman. Ill est préférable de le mener dans l’ordre des
étapes proposées.
En guise d’introduction La chute des
courses (1996), la scénarisation de son atelier de dessin et La grande Nuit
(1994). Plus haut, on entrera dans l’atelier de sculpture et son joyeux bazar.
Au fonds du village, dans l’ancienne citerne, son atelier de peinture. On
n’oubliera pas, une fois là, de prendre l’escalier pour se rendre dans la salle
de projections où des films montrant Arman “au boulot” sont essentiels à la
compréhension de sa démarche. Dans les salles du musée Brayer, l’exposition
remonte le temps. Elle débute par les dernières œuvres de l’artiste, soit la
peinture, le Shooting color dont le principe est de faire jaillir la peinture
du tube, écrasé par son pied, en une courbe qui s’écrase sur la “toile” et sur
l’objet prélevé dans la réalité qu’il n’a pas oublié d’y adjoindre.
Olivia Gazzano
Arman
s’installe aux Baux-de-Provence. Jusqu’au 16 octobre, de 10h à 19h. Nocturne le vendredi, du 14 juillet au 15 août,
jusqu’à 22h. Projections nocturnes dans les rues et sur les rochers. Tarifs : 7
euros, enfants (7-17 ans) : 5 euros. Ateliers enfants (-12ans) : 5 euros, sur
réservation. Possibilité d’acheter son billet sur internet :
www.visitprovence.com/arman, à retirer à l’office de tourisme. Vente sur place
à l’atelier de sculpture (ilot Post tenebras lux). Plus d’infos sur
www.lesbauxdeprovence.com ou au 04 90 54 34 39. Catalogue “ Au boulot”, 96
pages, éditions fondation A.R.M.A.N., 20 euros. www.fondation-arman.ch
Durant l’exposition, les œuvres de Yves Brayer
restent visibles au musée. Entrée : 5 euros, www.yvesbrayer.com, tél. 04 90 54
36 99.
Paru dans Prosper, le
Magazine culturel, Vaucluse, Avignon, Drôme provençale, Alpilles. N° 26,
juillet, août, septembre 2011.
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