Figure emblématique de la scène française, Gérard Fromanger l’est depuis les années soixante. Considéré comme un des pionniers de la nouvelle figuration pour contrer l’abstraction officielle, il est très vite rattaché au groupe de la figuration narrative dont il devient l’un des acteurs essentiels. La peinture ne donne plus seulement à voir, elle donne aussi à dire. Le ton est lancé : les peintres seront témoins de leurs temps, politisés au sens étymologique du terme de l’engagement dans la vie de la « cité ». Comme le dit le peintre lui-même « je suis dans le monde, pas devant ».
La photographie, parangon du monde contemporain, deviendra une alliée pour élaborer une réalité picturale et donner un nouveau langage à la peinture : le « voir le voir » évoqué à son sujet par Bernard Ceysson. Des amitiés électives nouées avec Christian Bernard, Jean-Luc Chalumeau, Gilles Deleuze, Michel Foucault, Alain Jouffroy, Félix Guattari, Michel Onfray, Jacques Prévert et Olivier Zahm participeront à la construction de cette peinture, en seront le support, la trame et aussi le sujet. Dans cette écriture du monde Fromanger déploie un langage à la fois abstrait et figuratif, où la couleur joue un rôle majeur. Elle est pour lui la vie, le mouvement, l’expression des passions et le moyen de transfigurer le réel en introduisant du temps, celui de la narration, dans l’espace plastique. Des récits se constituent, mélangeant des thématiques récurrentes comme la rue, le portrait, la silhouette, la peinture d’histoire, la poésie ou encore la photographie, qui donnent lieu à des séries Boulevard des Italiens, Le désir est partout, Tout est allumé, Sens dessus dessous ou plus récemment Bastilles. Séries qui elles-mêmes se répondent entre elles comme devenant à leur tour l’alphabet du peintre : son langage. Un oeuvre en rhizome, (série rhizomes peintures-café), à l’image du monde contemporain, sujet central de la peinture de Fromanger.
“ Qu’est-ce qu’il y a de révolutionnaire dans cette peinture- là? Peut-être l’absence radicale d’amertume, et de tragique et d’angoisse, de toute cette chierie des grands peintres qu’on dit de leur époque” Gilles Deleuze, extrait de Et le froid et le chaud, in Gérard Fromanger, le peintre et le modèle, 1973.
Gérard Fromanger “l’écharpes d’Iris- rétrospective 1955- 2011, Musée Estrine. Jusqu’au 4 septembre. Catalogue, texte de Bernard Blistène, 12 euros. Visite parlée par Gérard Fromanger de sa propre exposition, le dimanche 10 juillet, à 17h. Visuel : en Chine, à Hu Xian, 1974.
Paru dans Prosper, le
Magazine culturel, Vaucluse, Avignon, Drôme provençale, Alpilles. N° 26,
juillet, août, septembre 2011.
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