Grignan: des passerelles lancées entre art brut et art contemporain

Avec comme génie tutélaire, le facteur Cheval et son Palais idéal, l’association des « Enfants du facteur » tisse des liens entre deux mondes qui, souvent, s’ignorent: rencontres entre artistes qu’à priori tout éloigne, carte blanche à des collectionneurs passionnés par cet improbable dialogue, regards croisés… Toutes ces possibilités sont explorées.
Comment naît un tel projet, en dehors des clous ou plutôt puisque nous sommes à la campagne, - celle qui plait tant aux parisiens-, en dehors des sentiers battus ? Grâce à l’implication de l’artiste Françoise Vergier dont l’œuvre sculptée, profondément originale et terrienne, se dérobe à toute classification, Françoise qui est grignanaise.

Carte blanche à un collectionneur d’exception
Antoine de Galbert, Fondateur de la « Maison rouge » à Paris, a retenu dans ses collections, pour l’exposition de Grignan deux « obsessionnels » : Henri Ughetto, l’homme qui peint des millions de gouttes de sang, un sorte de baroque contemporain qui déteste la « non-couleur », les gris, qui utilise les couleurs pures sans vouloir les harmoniser et Roman Opalka, celui qui matérialise le passage du temps en noir et blanc et qui, loin de l’illusoire nouveauté, répète sur une toile des lignes de nombres tracées au pinceau n° zéro, en blanc sur fond noir. Seul changement d’une toile à l’autre, éclaircir à chaque fois d’1% de blanc, mais surtout s’interdire tout autre travail que cette répétition. Nul doute qu’accrochés aux cimaises de Grignan, ces deux là auront des choses à dire… Ils seront en compagnie du Japonais Tetsumi Kudo qui met sous globe non pas un bouquet de mariée ou une sainte vierge, mais la pourriture du monde, mort ornée de fleurs en plastique…
Une vingtaine d’artistes appartenant au monde de l’art contemporain et de l’art brut seront présents et parmi eux, Augustin Lesage et Joseph Crépin, deux artistes de la première moitié du vingtième siècle qui ont un lien avec le spiritisme. » Je n’ai jamais visité de musée, je n’ai jamais appris le dessin, ni la peinture ». Cet aveu de Crépin, le sourcier vaut aussi pour le mineur Lesage, tous deux admirés par le surréaliste André Breton pour leurs tableaux merveilleux surgis d’une profondeur à laquelle nous n’avons pas accès. Des artistes que l’on ne voit guère que dans les musées comme celui de Lausanne et que l’on aura la chance de pouvoir admirer ici.

Expo d’automne et d’hiver
A partir du 18 septembre Marc Desgranchamps et Basserode présenteront une exposition commune, chacun ayant travaillé au coeur de l’oeuvre de l’autre.
A partir du 13 novembre et jusqu’aux fêtes de fin d’année : « Promenade dans un enclos » de François Righi. L’homme des livres et des paons présentera son travail autour d’« Au dessous du volcan » de Malcom Lowry. Edition précieuse de quelques pages du livre pour bibliophiles avertis, puis pages qui prennent leur envol en grand format comme un éclaté de l’oeuvre, avec des dessins et des pièces entrant dans la composition du livre. Un chef d’oeuvre littéraire, un grand artiste étonnant de modestie : il ne faudra pas rater cette exposition !

Anne Simonet-Avril
article paru dans le n° 18, mai/juin 2009

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