Georges Glasberg : « Tu diras que je t’ai fait rêver ! »

Ce jour-là, nous avions rendez-vous chez lui, à Oppède. Il préparait dans l’enthousiasme, avec Annie Montagard, l’exposition « Le bois sacré de Bomarzo ». L’œil pétillant, il m’attendait, prêt à tirer de son chapeau des anecdotes et des confidences. Georges, éternel séducteur. « Ces photos-là, je ne les ai jamais exposées », me dit-il. « Je voulais les présenter dans un jardin ». Le jardin dans un jardin, idée poétique, clin d’œil à la Glasberg. Depuis, les vues de Bomarzo, ce parc italien peuplé de sculptures étranges qu’il photographia à l’état quasi-sauvage dans les années 50, ont pris place au jardin de la Maison de la truffe et du vin à Ménerbes. Un jeu de miroirs où photos et réalité se répondent. Georges Glasberg n’est plus là pour s’y balader, son Rolleiflex en bandoulière. Il s’en est allé chercher là-haut un angle de vue insolite, et sans doute séduire les nymphettes célestes. C’est pourtant lui –l’un des derniers portraits de lui, pris en ces lieux même --qui nous accueille, nous emmène apprivoiser les monstres de pierre de Bomarzo, contempler l’Hercule déchirant une femme nue, entrer dans la bouche béante de l’ogre, ou escalader les courbes généreuses d’une géante alanguie. « J’ai souvent pris des risques, et ce n’étaient pas toutes des géantes ! », disait-il en riant. Puis il vous entraînait, d’un souvenir à l’autre, rencontrer Dali à Cadaquès, arpenter les rues chaudes de Paris avec Michel Simon, voir de près les beaux yeux de Michèle Morgan, fréquenter le Montmartre nocturne en compagnie de Pierre Brasseur, Dimey et bien d’autres. Ce faisant, l’œil en coin, il guettait le sourire sur vos lèvres, pour l’attraper dans son filet à papillons où dormaient encore mille photos à faire. Il s’en amusait, heureux. Interrogé sur la lumière idéale pour photographier la sculpture, il répondait, ravi de son effet, en contemplant les cheveux frisés de son interlocutrice : « La lumière frisante ! ». Et comme l’après-midi, d’une confidence à l’autre, déclinait doucement : « Tu diras que je t’ai fait rêver ! », lâchait-il pour conclure cette dernière interview. Une petite phrase qui résume bien le travail de ce « photodidacte » capteur de rencontres inattendues, guetteur des surprises du quotidien, de ces étincelles fugaces que produisent parfois les choses de la vie quand elles s’entrechoquent. Allez vous balader cet été, avec lui, côté jardin. A coup sûr, il vous fera rêver…

Carina Istre, n° 19 juillet-août 2009

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire